samedi 23 janvier 2016

το Μουσείο Μπαρντό. http://www.lesclesdumoyenorient.com/Le-musee-du-Bardo-a-Tunis.html

LE MUSÉE DU BARDO À TUNIS 
ARTICLE PUBLIÉ LE 18/01/2016

Par Mathilde Rouxel

Le musée du Bardo fut aménagé en 1882 dans un ancien palais beylical, déserté dès l’accession au trône d’Ahmad Bey en 1837, au profit du palais de la Marsa. Il tient son nom du mot espagnol prado, que les Arabes, prononçant « brado », ont déformé en « bardo ». Prado signifie « jardin » ou « pré ». Comme les palais souverains de Carthage, d’Hamam Lif, de La Marsa ou de la Goulette, le Bardo était en effet originellement construit dans les plaines qui entouraient la médina de Tunis. Deux palais se côtoient dans le parc : l’ancien borj est aujourd’hui occupé par la Chambre des députés, alors que le bâtiment plus récent, ancienne résidence des monarques construite au milieu du XIXe siècle, abrite l’une des plus importantes collections du bassin méditerranéen, faisant du Bardo le second musée du continent africain, après le musée national égyptien du Caire. Il retrace, sur trois niveaux, l’histoire de la Tunisie et de toutes les civilisations qui l’ont traversée et détient officiellement la collection de mosaïques la plus importante du monde.

Le musée

L’architecture du musée du Bardo mérite une attention particulière. Le rez-de-chaussée est composé de courettes et de citernes d’eau de pluie qui alimentaient les cuisines et les remises. Il était destiné au service. L’étage comporte les appartements privés et les salons. L’architecture du petit palais, situé à l’Ouest de l’étage, est typique des maisons traditionnelles tunisiennes ; construit en 1830 par Hussein Bey II, il témoigne du goût de l’époque pour les stucs décorant les voûtes des plafonds et des dorures. Ce bâtiment développe le style hispano-maghrébin, très en vogue au milieu du XIXe siècle. Ce style hérite de l’influence andalouse, présente sur le territoire tunisien depuis le Moyen Âge suite à l’exil provoqué par l’Inquisition. L’arrivée des Ottomans marque également le style beylical à partir du XVIIe siècle.

Les collections

La plupart des pièces exposées ont été exhumées du sol tunisien, retraçant ainsi plusieurs dizaines de siècles d’histoire. Le ministre Kheireddine Pacha fut dès le milieu du XIXe siècle à l’origine du projet du musée, destiné à lutter contre le pillage du patrimoine. La richesse des découvertes archéologiques dans la région, notamment dans le domaine de la mosaïque et des éléments sculptés, a conduit les conservateurs à étendre la superficie du musée. La découverte fortuite de l’épave d’un navire au large de la cité de Mahdia en 1907 accroît considérablement les collections. Réaménagé au milieu des années 2000 pour permettre l’exposition d’un plus grand nombre de pièces, il se déploie aujourd’hui sur trois étages.
Si l’on souhaite suivre un parcours chronologique des collections, ce sont d’ailleurs ces derniers vestiges qui nous accueillent, au premier étage du musée. Ce navire de commerce, qui transportait des éléments d’architecture et d’œuvres datés entre le IVe et le Ie siècle av. J.-C., faisait sans doute route vers Rome, venant d’Athènes en passant par le détroit de Messine. La houle l’aurait emporté au large de la Mahdia.
Plus loin, la salle des Puniques rassemble les objets archéologiques de l’ère punique de Tunisie (IXe – IIe siècle av. J.-C.). Il s’agit essentiellement de stèles rituelles ou funéraires ainsi que des statues de culte en terre cuite. La salle du mausolée de Carthage, qui la suit, laisse voir un mausolée stuqué retrouvé sur le site antique de Carthage ainsi que de nombreuses mosaïques, provenant principalement de Thuburdo Majus et de Carthage. S’ensuit la salle des mosaïques marines, qui illustre sur des mosaïques de très grands formats différentes scènes liées à la mer, puis la salle des Numides, qui expose un grand nombre de stèles illustrant le Panthéon des divinités de cette civilisation présente sur toute l’Afrique du Nord du Xe au Ie siècle avant J.-C. La salle des trésors, en face, abrite une collection numismatique et de bijoux puniques d’une rare qualité. La salle d’Hercule et Dionysos, un peu à l’écart, garde encore les stigmates de l’attaque terroriste du 18 mars 2015 (1) ; les murs et les vitrines souffrent encore des trous des balles qui ont causé la mort de 24 personnes et blessé 45.
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Figure 1 Salle d’Hercule et Dionysos, encore marquée au début de l’année 2016 des stigmates de l’attaque du 18 mars 2015.
Crédit photo : Mathilde Rouxel
Architecturalement remarquable, et riche de collections de mosaïques époustouflantes, la Salle de Carthage abrite un autel dédié à l’empereur Auguste et une série de statues monumentales datant du Ie au IIIe siècle et provenant pour la plupart de Carthage. La salle qui la flanque, la salle d’Althiburos, possède également une riche série de mosaïques de diverses provenances. La salle des villas romaines expose quant à elle plusieurs mosaïques représentant la vie quotidienne dans les villas de la province Afrique de l’empire romain. Les salles de Thugga et de Thysdrus exposent des mosaïques célèbres de l’histoire de l’art romain de la province d’Afrique ; parmi elle, le fameux médaillon représentant Neptune sortant des eaux.
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Figure 2 Triomphe de Neptune et des quatre saisons, milieu IIe siècle ap. J.-C. Mosaïque de marbre.
Crédit photo : Mathilde Rouxel
Les salles d’Ulysse, de Diane chasseresse et du Minotaure retracent les principaux mythes de l’Antiquité gréco-romaine. La richesse de ces ensembles offre un parcours agréable parmi les grandes figures de dévotion des civilisations antiques.
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Figure 3 Salle de Diane Chasseresse. Un exemple d’exposition de la mosaïque au musée du Bardo.
Crédit photo : Mathilde Rouxel
L’étage supérieur est constitué principalement de galeries, qui proposent des objets d’usage quotidien et de décor, de l’époque punique à l’époque romaine. Le déroulé chronologique de l’Histoire se poursuit au rez-de-chaussée, consacré principalement à l’art des périodes islamiques. La salle de Kairouan est, à ce titre, très emblématique ; elle est consacrée à l’arrivée au 7e siècle de l’Islam en Tunisie, période marquée par la construction de la mosquée de Kairouan, la première du Maghreb. La salle de Mahdia, qui la suit, est pour sa part destinée à retracer les origines du pouvoir chiite en Tunisie, qui s’était installé à Mahdia avant de partir à la conquête du Caire.

Une muséographie exceptionnelle

La beauté de la mise en espace des collections du Bardo n’a d’égale que la richesse des informations qui nous sont prodiguées. Mise au jour en 2012, la nouvelle muséographie a su mettre en avant tant le monument historique que constitue le palais qui abrite le musée que la richesse de ses collections. Comme l’indique le compte-rendu de la conférence de presse qui s’est tenue juste avant la réouverture du musée en 2012, « la muséographie a fait appel aux techniques modernes de la signalétique, de l’éclairage et des multimédias » (2), et le résultat est saisissant. La beauté des œuvres se voit manifestement renforcée par une scénographie des plus réussies, qui renforce le caractère pédagogique de l’ensemble de la visite.
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Figure 4 Le Bardo : une muséographie innovante (salle de l’épave de la Mahdia).
Crédit photo : Mathilde Rouxel
Car l’exposition ne se présente pas seule : de larges panneaux explicatifs flanquent les œuvres, s’ajoutant ainsi aux cartels d’une précision scientifique irréprochable et aux explications historiques incontournables. En parallèle d’une visite des collections, une visite du monument lui-même est proposée, puisque l’on suit, panneau par panneau, l’évolution de la vie quotidienne des beys dans les différentes pièces du palais. En suppléments, de nombreux textes nous renseignent sur les pratiques artisanales des différentes civilisations que nous traversons, ainsi que le jeu des influences et du commerce d’œuvres d’art dans la région méditerranéenne.
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Figure 5 Le Bardo : Des collections parfaitement mises en valeur (salle du Mausolée de Carthage).
Crédit photo : Mathilde Rouxel
Les amateurs d’archéologie ne sont pas non plus en reste. Les explications sur les techniques de fouille, d’exhumation, de datation et de restauration ne manquent pas. L’ensemble de la muséographie et du travail pédagogique effectué sur ces collections est réalisé avec une scientificité souvent rare dans les musées d’archéologie et d’histoire. Ici, l’arabe côtoie le français et l’anglais pour raconter à tous les publics possibles la richesse du patrimoine tunisien. Un musée magnifique qui mérite sans conteste la renommée internationale dont il bénéficie déjà depuis des années.
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Figure 6 Une technique de restauration habile et respectueuse de l’œuvre.
Crédit photo : Mathilde Rouxel
En savoir plus : http://www.bardomuseum.tn/
Notes : 
(1) « Ce que l’on sait de l’attaque du Musée du Bardo, en Tunisie », Le Monde, 19/03/2015, http://lemonde.fr/afrique/article/2015/03/19/ce-que-l-on-sait-de-l-attaque-du-musee-du-bardo-en-tunisie_4596393_3212.html 
(2) « Musée du Bardo rénové : désormais 8000 objets et œuvres exposés », Tunisie.co, 24/07/2012 :http://www.tunisie.co/index.php/article/1839/decouverte/musees-et-monuments/bardo-ms-042312#.VpOgePmLTIU


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